Episode 31 : Un voyage dans le voyage !
Après la décision de Dred, prise à peine quelques heures après son réveil, le groupe n’avait pas perdu de temps.
Ils avaient beaucoup marché, enchaînant les sentiers, les pentes douces et les chemins ombragés. La route était longue, mais le rythme restait soutenu.
Pendant le trajet, les discussions allaient bon train.
Ils avaient besoin de vider leurs sacs — au sens propre comme au figuré.
Lion raconta en détail ses recherches, les allers-retours dans la ville, les gens interrogés, les regards fuyants, les silences polis. Rien ne semblait avoir été anormal… et pourtant, rien ne collait non plus.
Heleyia, quant à elle, décrivit sa veille minutieuse, les détails qu’elle avait relevés, son inquiétude croissante, la sensation étrange de veiller un corps… sans pouvoir faire plus.
Ily revint sur ses courses — simples, mais pensées pour chacun — et sur le moment qu’elle avait voulu offrir à tous avec son jeu de cartes. Un moment de paix, de lien, de respiration. Même si Dred n’y avait pas pris part, elle tenait à ce qu’il en connaisse les moindres détails.
Dred les écoutait, les yeux rivés sur le sentier, mais son cœur attentif à chaque mot.
Il ne disait pas grand-chose au début, mais quand Ily termina son récit, il s’arrêta un instant.
Il se retourna, et dit simplement :
« Merci. À vous tous. De m’avoir attendu. Protégé. D’avoir fait… quelque chose. Même si vous ne pouviez rien faire. »
Un silence doux suivit. Inutile de répondre.
Leur regard à tous disait la même chose : Tu aurais fait pareil.
Le paysage se dévoilait au fil de leurs pas.
L’alternance entre de petites zones boisées et des vallées baignées de lumière donnait au décor un charme presque irréel. Parfois, un oiseau s’envolait. Parfois, un courant d’air faisait bruisser les herbes hautes. C’était calme, et ça faisait du bien.
Ily, qui marchait souvent à hauteur de Dred, en profita pour lui expliquer les règles du fameux jeu de la veille.
Elle racontait en détail la bataille acharnée entre elle — seule contre trois — et le trio improbable formé par Corim, Lion et Heleyia. Chaque effet de carte, chaque retournement de situation, elle les partageait avec une excitation sincère, presque enfantine.
Dred souriait. Il imaginait la scène sans mal, et la chaleur dans sa poitrine lui rappelait que ce groupe… c’était bien plus qu’un simple regroupement de voyageurs.
Mais peu à peu, la fatigue se fit sentir.
Personne n’avait vraiment dormi la veille. Certains avaient veillé. D’autres s’étaient reposés par à-coups, entre deux tours de cartes, deux soupirs, ou deux silences.
C’est Heleyia qui, la première, stoppa sa marche. Elle posa la main contre un tronc, inspira profondément, puis dit :
« Je suis désolée… mais je crois avoir besoin de faire une pause. Même courte. Je sens que je vais m’écrouler si on continue comme ça. »
Personne ne protesta.
Les corps étaient lourds, les paupières tiraient. Corim pensa faire le malin, mais les émotions de la veille étaient encore bien présentes.
Ils s’apprêtaient à s’installer pour une sieste rapide, à même le sol encore frais de l’aurore, quand…
Au loin, quelques silhouettes apparurent.
Des gens.
Difficiles à distinguer dans la brume matinale, mais ils étaient là. Immobiles, ou presque. Observant.
Le groupe se redressa aussitôt, les sens en alerte.
Dred, apercevant les silhouettes immobiles à l’orée du sentier, s’arrêta et regarda Corim, Heleyia, Ily et Lion.
« Allons leur parler. Si on a une chance de trouver un coin tranquille pour se poser… ce pourrait être grâce à eux », dit-il simplement.
Personne ne s’opposa à cette idée. Ils étaient épuisés, et de toute façon, mieux valait prendre contact que se faire remarquer plus tard à dormir dans un coin interdit.
Le petit groupe s’approcha lentement.
Plus ils avançaient, plus les regards en face se faisaient intenses. Pas hostiles, mais tendus.
Ces gens-là n’étaient visiblement pas habitués à recevoir des visiteurs.
Dred s’arrêta à une distance raisonnable. Il posa une main sur la bandoulière de sa besace, l’air décontracté, et déclara d’une voix claire :
« Bonjour. Je m’appelle Dred. Mes amis et moi sommes en route depuis plusieurs heures, et nous cherchons un endroit calme où nous poser. Un coin pour dormir, ou même camper, si vous avez un endroit en tête. »
Les gens en face échangèrent des regards. Des murmures presque inaudibles circulaient entre eux. On sentait de la prudence. Et peut-être un peu de peur.
Puis un homme plus âgé, qui se tenait légèrement en retrait, s’avança. Il marchait lentement, mais son port était droit, sa voix claire.
« Enchanté, Dred. Je m’appelle Penn. Je suis le chef — et disons, le protecteur — de ceux qui vivent ici. Excuse-nous pour notre accueil… On ne croise pas souvent des étrangers avec un visage aussi ouvert. »
Il toussota, comme s’il hésitait à poursuivre, puis ajouta, un peu plus bas :
« Qu’est-ce qui vous amène par ici, si ce n’est pas indiscret ? »
Dred, toujours calme, répondit avec simplicité :
« On traverse la région à la recherche de quelque chose. Un lieu ancien, un fragment oublié. On pense que ça se trouve quelque part dans la forêt de Coille’Antarr. Rien de dangereux, juste… une quête. »
Puis il jeta un œil vers Heleyia, qui avait du mal à rester debout, et ajouta :
« Cela dit, avant d’y arriver, il nous faudrait un vrai moment de repos. Mon amie est épuisée. »
Penn prit quelques secondes avant de répondre. Il scruta chacun des membres du groupe. Leur posture. Leur regard. Leur fatigue aussi, sans doute.
Puis il hocha lentement la tête.
« Vous m’avez l’air… sincères. Et sincérité ne court pas les chemins par ici. »
Il fit un geste de la main, invitant le groupe à s’avancer.
« Venez. Un peu plus haut, il y a une zone sûre. On y dort bien, et vous y serez tranquilles. »
Dred se retourna vers les siens. Leurs regards se croisèrent, sans qu’un mot ne soit prononcé.
Un simple hochement de tête de chacun.
Et ils emboîtèrent le pas à Penn.
Un peu plus loin, guidés par Penn à travers un petit sentier bordé de ronces, ils s’arrêtèrent face à ce qui semblait être… un arbre tout à fait ordinaire.
Un tronc droit, de taille moyenne, un feuillage épais mais banal, et rien, à première vue, qui justifiait qu’on s’y attarde.
Le groupe échangea un regard perplexe.
Penn esquissa un léger sourire, posa une main sur le tronc, et ferma les yeux.
Puis, tout en murmurant des mots à voix basse — incompréhensibles, presque insensés — il prononça une sorte d’incantation que le vent semblait porter sans jamais l’interrompre.
La température chuta d’un souffle.
Une brise étrange se leva, discrète mais pénétrante.
Les feuilles autour d’eux frémirent, les branches des arbres se mirent à osciller lentement, comme si elles dansaient au rythme des mots.
Puis, comme si un voile invisible se déchirait devant eux, l’air vibra un court instant.
Le décor changea.
Sous leurs yeux stupéfaits, le paysage se dévoila : un petit village caché, magnifique, semblait avoir été dissimulé jusque-là, comme protégé par un sortilège ancien.
Des chemins de terre bien dessinés serpentaient entre de jolies maisons aux toits ronds.
Des enfants couraient en riant, sautant entre les murets de pierre moussue.
Des villageois, absorbés dans leurs activités, taillaient le bois, tressaient des paniers, travaillaient des tissus colorés, certains même faisaient flotter des objets devant eux avec une concentration presque solennelle.
Ily s’arrêta, bouche entrouverte.
Heleyia n’avait même pas besoin de mots : son regard parlait pour elle.
Lion, lui, resta un moment immobile, détaillant chaque détail avec attention.
Penn, toujours aussi calme, les regarda un à un, puis déclara :
« Bienvenue dans mon village. Il s’appelle Kuzhat. Vous pouvez y passer un moment de repos. Vous êtes les bienvenus. »
Il les laissa contempler.
Et tous furent frappés d’une même pensée :
Ce lieu était habité. Vraiment.
Pas seulement par des gens, mais par quelque chose d’autre, plus grand, plus ancien.
De la magie, oui. Mais pas celle qu’on lance. Celle qu’on ressent.
Ils n’avaient encore rien vu… mais déjà, ils savaient : ce moment allait compter.
Penn, les bras croisés dans le dos, déclara avec un sourire :
« Nous avons encore quelques emplacements vides pour accueillir des voyageurs… du moins, des voyageurs sympathiques comme vous. Mais je préfère être honnête : ça devient très, très rare par ici. »
Il leur montra du doigt une petite allée qui descendait légèrement vers une zone bordée de grands arbres.
« Vous pouvez vous installer au fond du village. Baladez-vous, reposez-vous. Lorsque vous serez prêts à repartir, je préviendrai les miens pour qu’ils vous ouvrent l’accès à la sortie. C’est une mesure de protection… pas de méfiance. En attendant, passez un bon séjour, et… bon courage. »
Penn les salua d’un simple signe de tête et repartit tranquillement, laissant au groupe le loisir de découvrir les lieux à leur rythme.
Bien que le village soit modeste en taille, chacun prit le temps de faire un petit tour.
Les ruelles, étroites et sinueuses, regorgeaient de détails discrets : des fleurs accrochées à des fenêtres, de vieux outils posés près des portes, et quelques regards curieux mais bienveillants des habitants.
Les ruelles, étroites et sinueuses, regorgeaient de détails discrets : des fleurs accrochées à des fenêtres, de vieux outils posés près des portes, et quelques regards curieux mais bienveillants des habitants.
Très vite, leurs estomacs leur rappelèrent que la fatigue ne venait pas seule.
Ils repérèrent quelques échoppes ouvertes, avec des étals colorés et des senteurs appétissantes. Le choix était varié : des galettes sucrées aux fruits rouges, du pain chaud au fromage local, des jus aux couleurs étranges, et même une soupe aux herbes fumantes dont l’odeur suffisait à faire saliver Corim.
Ils repérèrent quelques échoppes ouvertes, avec des étals colorés et des senteurs appétissantes. Le choix était varié : des galettes sucrées aux fruits rouges, du pain chaud au fromage local, des jus aux couleurs étranges, et même une soupe aux herbes fumantes dont l’odeur suffisait à faire saliver Corim.
Ils prirent un peu de tout, chacun selon ses goûts. Leurs bras se remplirent de petites portions savoureuses qu’ils grignotèrent en marchant, comme des enfants au marché.
Puis, une fois rassasiés, ils gagnèrent l’endroit indiqué par Penn. Une zone presque vide avec un petit bâtiment en bois clair, à l’écart, avec quelques matelas posés à même le sol, et des couvertures épaisses pliées dans un coin.
Heleyia, les traits tirés par l’épuisement, n’eut même pas le temps de finir son assiette.
À peine un bout avalé, quelques gorgées d’eau bues, elle s’allongea en silence et s’endormit aussitôt.
À peine un bout avalé, quelques gorgées d’eau bues, elle s’allongea en silence et s’endormit aussitôt.
Ily, les épaules basses, força un peu sur le rythme : elle mangea plus vite, rangea ses affaires soigneusement, puis alla s’installer sur un matelas près d’une fenêtre entrouverte. Elle soupira longuement, comme pour vider les tensions du trajet, et sombra à son tour dans un sommeil réparateur.
Lion, quant à lui, termina tranquillement son repas. Il observait les lieux, posait parfois son regard sur Dred sans rien dire. Puis, une fois son assiette vide, il se leva, étira les bras, et s’installa dans un coin calme pour se reposer lui aussi.
Le silence s’installa.
Seul le chant discret du vent dans les branches rappelait que le monde continuait de tourner dehors.
Seul le chant discret du vent dans les branches rappelait que le monde continuait de tourner dehors.
Et enfin…
Le groupe tout entier retrouvait un peu de paix.
Le groupe tout entier retrouvait un peu de paix.
Corim et Dred, eux, avaient eu la chance de dormir un peu plus que les autres.
Même si la fatigue ne les avait encore touchés, elle n’était surtout pas assez forte pour faire une sieste.
Ils restèrent donc éveillés, assis à l’ombre d’un grand arbre, dans le calme reposant du village.
Le silence était agréable. Le vent léger faisait frissonner les feuilles, et l’odeur de la sève chaude se mêlait à celle du pain encore tiède qu’ils avaient emporté.
Corim brisa le silence :
« C’est incroyable, cette petite forêt… » dit-il en posant une main sur le tronc d’un arbre.
« Elle recèle de la magie. Je te jure, j’ai rarement ressenti un truc aussi fort au contact des arbres. C’est vivant ici… profondément. »
Dred, adossé contre un rocher, hocha doucement la tête. Il sentait lui aussi une forme de calme étrange, presque enveloppant. Il ne savait pas encore si c’était bon ou mauvais, mais c’était là.
Puis, sans prévenir, Corim se redressa, un éclat sauvage dans les yeux. Il s’écarta, fit quelques pas en arrière dans une pose presque théâtrale, et lança :
« Viens m’affronter, je t’attends ! »
Un immense sourire fendait son visage, mélange d’amusement et de provocation.
Dred le fixa, impassible, un sourcil levé :
« Non. »
Il n’avait pas haussé la voix, ni même souri. Juste un refus net, posé, tranquille.
Mais Corim ne lâcha pas l’affaire. Il dégaina alors son deck de cartes, tout fier, et le brandit comme une arme.
« Allez ! On est seuls, pas fatigués. Viens m’affronter. Sors le tien.
Si tu veux, prends même le temps d’ouvrir tes boosters pour faire ça bien. »
Dred soupira, puis se redressa à son tour, calmement esquissant un sourire.
Il fouilla dans son sac et en sortit son propre deck encore scellé, mais ne toucha pas aux boosters.
« Je vais accepter le combat », dit-il, en commençant à mélanger ses cartes.
« Mais je n’ouvrirai pas mes boosters aujourd’hui. Je préfère attendre d’avoir le temps d’apprendre le jeu en profondeur. »
Puis, esquissant un sourire, il ajouta :
« Et puis… Ily dort. Elle ne pourra pas m’aider à comprendre mes cartes. Et tu sais comme elle prend ça au sérieux. Alors on ne va pas la déranger pour si peu. »
Corim éclata de rire.
« Très bien, très bien ! Alors allons-y. »
Ils s’installèrent sur une grande pierre plate, un vieux tronc leur servant de table improvisée.
Et la partie commença.
Ils passèrent une bonne partie de la matinée à jouer, l’un contre l’autre.
Les victoires s’échangeaient. Les erreurs s’accumulaient. Les règles s’ajustaient au fil de la compréhension.
Ils n’étaient pas encore experts, mais ce n’était pas le but.
Ils riaient. Ils débattaient. Ils s’énervaient doucement en redécouvrant chaque carte.
Et surtout, ils attendaient.
Tranquillement. Que les autres se réveillent. Que l’aventure reprenne. Que quelque chose se passe.
Mais en attendant, ils jouaient.
Et dans ce jeu simple, il y avait déjà assez de magie pour remplir le matin.
Le soleil avait déjà entamé sa descente quand Penn fit de nouveau son apparition.
Calme, comme à son habitude, il s’approcha du groupe d’un pas mesuré, les mains derrière le dos. Il observa quelques instants les cartes encore posées sur la pierre entre Dred et Corim, les sourires relâchés, les épaules détendues. Puis il s’adressa à Dred avec un sourire sincère :
« J’espère que vous passez un bon moment ici. On n’a pas souvent de visiteurs… alors quand c’est le cas, on aime que ce soit un bon souvenir. »
Dred acquiesça, reconnaissant.
« Oui. C’est exactement ce qu’il nous fallait. Merci encore. »
Penn s’assit doucement sur une grosse pierre voisine, sortant un petit carnet de cuir et un crayon taillé à la main.
« J’ai réfléchi à ce que vous m’avez dit ce matin », commença-t-il.
« Concernant la forêt. Je ne peux pas vous y accompagner, mais je peux vous donner de quoi vous orienter un peu. »
Il se mit à griffonner lentement une sorte de croquis, pas très précis, mais suffisant pour tracer des repères : les collines, les anciens sentiers oubliés, les formations rocheuses particulières.
Tout en dessinant, il ajouta :
« Cela dit… cette forêt n’est pas comme les autres. Elle a une ambiance… particulière. Certains disent qu’on y perd ses repères, d’autres parlent de sons qui vous guident ailleurs… Moi je dirais simplement que c’est un endroit qui vous regarde plus que vous ne le regardez. »
Il marqua une pause, le regard perdu quelque part au-delà des arbres.
« Vous risquez de tourner longtemps pour rien. Chercher une aiguille dans une meule de foin. »
Dred écoutait en silence. Il savait que ce genre de propos ne venait jamais de nulle part.
Penn poursuivit :
« Et entre nous… ces histoires d’artefact enfoui dans cette forêt, pour beaucoup, ce ne sont que des rumeurs. Des contes. De quoi faire rêver les enfants. Rien de concret. »
Puis, presque à contrecœur, il ajouta dans un souffle :
« Mais certains mythes du village racontent qu’un jour, quelqu’un — une personne pas comme les autres — trouvera un fragment oublié, caché au cœur même de Coille’Antarr.
Peu y croient.
Mais… parfois, les contes deviennent vrais. »
Dred resta pensif, les yeux fixés sur la carte. Il ne savait pas encore s’il fallait y voir un avertissement ou une promesse.
Pendant ce temps, le reste du groupe s’éveillait peu à peu.
Heleyia fut la première à sortir, les traits encore marqués par le sommeil, mais l’énergie revenue dans les yeux.
Ily suivit de près, étirant ses bras au soleil, comme une fleur qui retrouve la lumière.
Corim, lui, venait de ranger ses cartes dans son sac, content d’avoir gagné « plus de la moitié des parties », ce qui, selon lui, méritait d’être souligné.
Lion, de son côté, n’avait jamais vraiment dormi. Il avait gardé un œil ouvert sur ce qu’il se passait dehors, et avait entendu une bonne partie de l’échange entre Dred et Corim. Mais aussi ceux avec Penn.
Il s’approcha tranquillement, mains dans les poches.
« On parle d’aiguilles, de foin et de contes, c’est ça ? »
Son ton était léger, mais son regard, lui, restait alerte.
Penn sourit.
« Vous avez tout compris. C’est peut-être du vent. Ou peut-être que ce n’est que pour vous. Je n’en sais rien. »
Dred rangea doucement la carte dans sa sacoche.
« On verra bien. On est là pour ça, après tout. »
Le groupe se retrouva dans un cercle calme, silencieux quelques instants.
La forêt de Coille’Antarr les attendait.
Et eux… ils étaient presque prêts.
Bien que, d’une certaine manière, tous se sentaient prêts à reprendre la route, une discussion s’était naturellement engagée.
Et au fil des échanges, des regards fatigués et des sourires discrets, une évidence s’imposa :
ils avaient encore besoin d’une nuit ici.
Une vraie.
Tous ensemble.
Pas seulement pour se reposer. Mais pour intégrer. Pour digérer. Pour respirer.
La décision fut prise simplement, sans débat.
On partirait demain matin, aux premières lueurs.
Heleyia, elle, ne cachait pas son enthousiasme.
Depuis qu’elle avait vu, un peu plus tôt dans la journée, certains habitants manipuler le feu avec une étrange douceur, elle ne tenait plus en place.
« Ils appellent ça le TAN », avait-elle soufflé à Ily avec des étoiles dans les yeux.
« Ce n’est pas de la magie comme la mienne. C’est plus… ancré. Plus humble. Je pourrais peut-être apprendre à mieux canaliser la mienne. Et éviter… tu sais, les petits accidents. »
Ily lui avait tapoté l’épaule, amusée :
« Si tu peux éviter de faire cuire mes cheveux la prochaine fois, je valide. »
Et c’était ainsi pour chacun.
Lion s’était pris de fascination pour une technique artisanale du coin mêlant bois et fil de métal mouvant.
Corim trouvait un plaisir presque enfantin à échanger des gestes de force amicale avec les jeunes du village, entre bras de fer, concours de lancé de cailloux et démonstration de saut d’obstacles improvisé.
Dred, lui, observait. Silencieux.
Mais son regard disait qu’il apprenait aussi, à sa manière.
Le soir venu, comme pour clore cette parenthèse enchantée, ils furent tous invités à un grand banquet en plein air, sous les arbres illuminés par des lanternes suspendues.
Des plats fumants, des parfums de miel, d’herbes et de braises dansaient dans l’air. On parlait fort, on riait, on chantait parfois.
Puis, peu à peu, les voix s’étaient unies autour d’un feu plus large, où les histoires commencèrent à circuler.
Certains racontèrent leurs propres aventures :
des erreurs de jeunesse, des voyages interrompus, des rencontres imprévues.
D’autres, plus discrets, partagèrent des légendes locales :
des arbres qui chantent quand personne ne les regarde, des êtres faits d’ombre et de brume, ou encore un ancien artefact capable de modifier la perception du temps lui-même…
Les rires, les soupirs, les regards rêveurs formaient un mélange doux.
Une sorte de veille collective, bercée par les contes et les flammes.
Et c’est l’esprit chargé de rêves et de chaleur humaine que chacun finit par regagner son matelas, son coin de bois, ou son hamac improvisé.
Demain, ils reprendraient la route.
Direction la forêt de Coille’Antarr.